L’Espèce Humaine
Théâtre Amer
Du tragique antique pour une épopée contemporaine.
Le premier battement de cœur de notre spectacle, c’est la lecture de L’Espèce humaine de Robert Antelme, essai, poème, témoignage d’un homme déporté par les Nazis dans un camp de travail, et qui en rapporte une pensée fondamentale : « C’est un rêve SS de croire que nous avons pour mission historique de changer d’espèce, et comme cette mutation se fait trop lentement, ils tuent. […] Une vérité […] apparaît ici éclatante […] : il n’y a pas des espèces humaines, il y a une espèce humaine. » Ensuite, nous découvrons les conditions qui ont rendu possible la production de cette œuvre majeure, capitale : l’enchaînement de circonstances et de gestes qui a permis à son auteur de réchapper de l’enfer, d’être sauvé de la mort et de publier ce texte. Evadé de Dachau « libéré » mais tenu en quarantaine par les Américains, Antelme rejoint Paris grâce à l’aide et au secours de son ami Dionys Mascolo qui raconte cette traversée dans Autour d’un effort de mémoire. Sauvé d’une mort promise par son état de santé, Robert est soigné à Paris par son épouse de l’époque, Marguerite Duras, qui racontera ces soins dans La Douleur. Le chemin de notre spectacle se dessine donc de l’arrestation de Robert – « résistant » par évidence, par instinct, ni glorieux, ni héroïque – à sa résurrection. Figure du revenant, il est porteur d’une nouvelle qui bouleverserait l’humanité si elle la prenait pour loi : l’égalité pleine et inaliénable de tous les êtres humains.
Comment raconter le mythe du retour et le chant du revenant sans présenter l’enfer ? Le chercher dans la fiction, le dire par le poème ? Le détour ou la métaphore paraissent une atténuation ; insoutenable pour dire l’enfer du XXe siècle. Nous optons donc pour le meilleur, qui semble ici le pire : la description fidèle et pointilleuse de l’assassinat de masse, méthodique, raisonné, industrialisé, par le meilleur témoin, appliqué à décrire autant que frappé par la réalité, et auquel la littérature échappe comme le véritable signe de l’émotion et de l’effroi qui le saisissent face à l’horreur. L’Enfer de Treblinka de Vassili Grossman nous semble en effet le meilleur tableau de l’enfer que nous puissions présenter comme fond à notre histoire particulière. Toute pacifiste et lumineuse qu’elle soit, la « nouvelle » rapportée des camps par Robert n’est pas dépourvue de colère et, dans notre spectacle, celle de Grossman qui affleure devant Treblinka est salutaire. Le front russe, dans l’état actuel du monde, nous semble essentiel dans le récit d’un retour et d’une résurrection, d’un avenir possible après le meurtre. L’horreur dite, avec beauté mais désignée par les vrais mots – SS, nazis, Juifs, mort, chambre à gaz –, est difficile à porter mais nous nous engageons dans ce geste difficile, précisément pour que ce soit su. Nous osons porter ce texte à la scène, en 2023, pour que, devant les assimilations actuelles de certaines patries, de certains êtres par d’autres à des « Nazis », nous puissions dire, et faire savoir, ce qu’est véritablement la raison humaine employée à détruire une partie de ses semblables, de ses égaux, et pour voir la lumière. Lumière toujours fournie par la fabrication de récits communs à tous, accessibles à tous, et qui nous font nous reconnaître « chacun responsable de tout et de tous, et moi plus que tous les autres », comme l’affirme Emmanuel Levinas, pour espérer que soit entendu aussi que l’amitié véritable et concrète, entre individus puis entre peuples, pourrait être la base du rapport à autrui.
Nous racontons une histoire en puisant à trois sources – Autour d’un effort de mémoire de Dionys Mascolo, La Douleur de Marguerite Duras et L’Enfer de Treblinka de Vassili Grossman – auxquelles s’ajoute une quatrième : le Requiem de Mozart, déroulé entièrement et en quelque sorte recomposé. Ce fil musical nous place dans la cérémonie, dans le rituel, et nous permet de hisser le récit à une hauteur mythologique.

LES DATES
Du 1er au 5 février 2023 : Ivry (94) – Théâtre des Quartiers d’Ivry, Centre Dramatique National du Val-de-Marne
Le 10 février 2023 : Théâtre de Chevilly-Larue (94) – Théâtre André Malraux
Les 1er et 2 mars 2023 : Quimper (29) – Théâtre de Cornouaille, Scène Nationale de Quimper
Les 9 et 10 mars 2023 : Redon (35) – Le Canal Théâtre du Pays de Redon – Scène conventionnée
Le 23 mars 2023 : Vitré (35) – Centre culturel Jacques Duhamel
Durée / Âge
- Durée : 1h30
- Age : à partir de 12 ans
Texte
- D’après "La Douleur" de Marguerite Duras, "Autour d’un effort de mémoire" de Dionys Mascolo et "L'Enfer de Treblinka" de Vassili Grossman
Mise en scène
- Mathieu Coblentz
Distribution
- Mathieu Alexandre, Florent Chapellière, Vianney Ledieu, Camille Voitellier, Jo Zeugma
Dramaturgie
- Marion Canelas
Collaboration artistique
- Vincent Lefèvre
Création lumière
- Victor Arancio
Création sonore
- Simon Denis
Production
- Production Théâtre Amer ; Théâtre National Populaire
- Coproduction Théâtre de Cornouaille – scène nationale de Quimper ; Théâtre des Quartiers d’Ivry – CDN du Val-de-Marne ; Espace Marcel Carné, Saint- Michel-sur-Orge ; Le Canal, Théâtre du pays de Redon, scène conventionnée d’intérêt national art et création pour le théâtre ; Théâtre André Malraux, Chevilly- Larue ; Centre culturel Jacques Duhamel, Vitré (en cours)
- Avec le soutien de la DRAC Bretagne – ministère de la Culture ; de la Région Bretagne ; du Conseil Départemental du Finistère ; de L’Archipel - pôle d’action culturelle de Fouesnant